Un "resto-piaf" : c'est le dernier gadget que les lecteurs du magazine Pif ne découvriront jamais. Une petite mangeoire à oiseaux qui devait accompagner le numéro 54. Mais le 15 janvier, le tribunal de commerce de Bobigny en a décidé autrement en prononçant la liquidation judiciaire de Pif éditions, endettée de plus de 4M€.
Le titre mythique de la bande dessinée française aurait dû fêter ses 40 ans cette année. À Carpentras, son rédacteur en chef, le dessinateur François Corteggiani, accuse le coup. "On a été prévenus à la dernière minute, déplore-t-il. Le numéro de janvier était prêt, on a découvert que l'imprimeur n'était pas payé depuis plusieurs mois. Pourtant, Pif marchait bien..."
C'est une page très lourde à tourner, vingt ans de sa vie. François Corteggiani se définit comme faisant partie de la "old school", cette école de dessinateurs un peu ronchons épris de travail bien fait, tenants de la tradition. "Pif était un journal qui ne tenait pas compte de l'évolution, mais qui faisait partie du paysage de la BD, avec Spirou, Tintin et Pilote."
Pif Gadget avait été lancé en 1969 sous l'égide du Parti communiste français. Il a bâti son succès sur le fameux gadget loufoque que les mômes devaient bricoler eux-mêmes. On se souvient des pois sauteurs du Mexique qui avaient fait un malheur, ou plus récemment de la machine à faire des oeufs carrés. Le magazine a atteint des tirages à donner le tournis : jusqu'à un million d'exemplaires dans les plus belles années.
Et puis, il est mort, une première fois en 1992. Les gadgets n'amusaient plus les enfants. Pourtant, en 2004, une bande de nostalgiques a décidé de le ressusciter. Patrick Apel-Muller, actuel directeur de la rédaction de L'Humanité, avait senti que Pif était "tendance" et avait appelé François Corteggiani pour le remettre au goût du jour.
"Dès le premier numéro, on a fait un carton, avec 450 000 exemplaires vendus. Pif a marqué plusieurs générations, il y avait un lectorat, on ne ressort pas un titre pour le planter ainsi cinq ans plus tard. C'est un immense gâchis." Aujourd'hui, il avait trouvé un rythme de croisière avec un tirage de 80 000exemplaires mais a souffert "d'erreurs de gestion", avance laconiquement le rédacteur en chef.
Cette décision se traduit par le licenciement des six salariés ainsi que des 140 pigistes qui participaient à l'aventure, dont une quarantaine étaient très réguliers. Cette semaine, le noyau dur de la rédaction se retrouve chez François Corteggiani pour une cellule de crise. Il y a son fils, Jean-Baptiste, Herlé, Bernard Ciccolini, et Olivier Fiquet.
Ils ne se consolent pas de la mort du petit chien facétieux, créé après guerre, par José Cabrero Arnal, un républicain espagnol réfugié en France, ni de celle du chat Hercule, son partenaire de bagarres : "On le vit comme un sabotage." D'autant que Pif n'est pas à vendre, il reste la propriété du groupe. Se réserve-t-il la possibilité de le faire renaître une seconde fois ?
source la provence
quel gachis